Je m’appelle Badou et je vis à Saint-Louis du Sénégal ; mes frères s’appellent Babacar, Babou, Badara et Bacar ;
Comme mon père et mon grand-père avant lui, je serai pêcheur ; mes frères aussi d’ailleurs, à moins qu’ils ne partent ou alors qu’ils ne construisent nos bateaux ; l’avenir le dira ;
il y a moins de poissons alentour c’est vrai ; d’autant que la population a terriblement augmenté ; et les habitudes de consommation aussi ; les japonais nous demandent des ailes de requins ; pour les satisfaire, nous sommes obligés de couper les ailerons en pleine mer pour ne pas trop charger les pirogues ;
étrange façon de faire ;
mon arrière grand-père, pêcheur lui aussi se retournerait dans sa tombe ;
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lui qui disait que la mer était notre principal garde-manger ;
vœu pieu ?
le peu de poissons sur nos côtes nous oblige à aller toujours plus loin ; et c’est maintenant vers l’archipel des Bijagos proche de la Guinée-Bissau que nous allons pêcher ; une semaine de mer entassés sur la pirogue… d’ailleurs elles sont plus grandes que celles de nos ancêtres, presque 12 m de long ;
mais elles ne reviennent plus au port de Saint Louis pour la prière du vendredi ; sur place des villages se constituent au fil de nos campements qui bougent dès que nous avons épuisé les stocks de poissons de nos frères.
elles sont belles nos pirogues ; très belles même ;
la tradition a perduré ;
enfin presque ;
maintenant nous embarquons des paysans comme marins , nous les fils sommes patrons pêcheurs sur une armada de pirogues ; notre père, lui, reste à Saint Louis et assure la logistique comme un véritable armateur : liaisons audio par téléphone satellitaire, GPS, débarquement sur la côte du poisson et expédition directe par camions réfrigérés sur les lieux de ventes les plus rentables au Mali ou bien au Burkina, envoie de pièces de rechanges….
dixit un expert travaillant sur le terrain ; édit du 30/01/2011
cependant, chaque ethnie a sa façon particulière de travailler le bois ; les pirogues de mer des Lébous, des N’Yominkas, des Sérères… toujours de la même façon depuis la nuit des temps ; les Lébous par exemple construisent encore des pirogue faite d’une seule pièce de bois, extraite d’un tronc d’arbre, du fromager la plupart du temps ;
les nôtres sont plus lourdes (environ 900 kg ) car nous allons plus loin et devons ramener de lourds chargements ; la charge utile est d’à peu près 2500 kg ;
pirogue sénégalaisela membrure, en construction navale traditionnelle, est l’assemblage de diverses pièces de bois qui forment le squelette sur lequel le revêtement extérieur sera fixé pour former la coque ; ici, elles sont traditionnellement en gonaquier, gonakié ;
c’est un arbre endémique à nos climats de la famille des mimosas et nous utilisons les gousses et l’écorce pour le tannage des peaux de chèvre ; c’est pour cette raison que vous en voyez en train de sécher au soleil sur les berges du fleuve ;
séchage des peaux tannées au soleil
ensuite on les “colorie” de toute la couleur de l’arc en ciel ; et nous n’oublions jamais les gris-gris qui nous permettrons de revenir sur la terre ferme ; Protection, invocation religieuse, remerciement, recherche de beauté, tout y passe ;
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- dis, Toubab tu aimes regarder ça ?
- viens toubab je t’emmène voir le petit frère de mon père ; il sait bien les construire lui…..
6 commentaires
Très bel article, qui me ramène à mon voyage au Sénégal, mais aux alentours de Sally, où les villages de pêcheurs ont été remplacés par des hôtels, et les pêcheurs obligés de se retirer vers l’intérieur, pour vivre de quoi? Ils étaient pêcheurs depuis des générations et ont été transplantés pour 10 euros par personne, d’après ce que m’a dit un ami de là-bas…
Que cet art et cette foi perdurent!
j’avoue ne pas trop aimer Sally ; tout y sonne faux ; les Sénégalais profitent du système mis en place par les Toubabs investisseurs ; on ne saurait leur reprocher ;
cela ne ressemble pas au Sénégal que je connais et que j’apprécie tant ;
mais tu as raison, il serait temps que les “décideurs” réalisent et cessent de faire n’importe quoi ;
Tres belles effectivement ces pirogues colorees – on se demande quand meme comment ils peuvent aller loin en mer avec ca. J’aime bien tes billets reportage.
tu sais, le tronc est surmonté par des bordés en planches de sapin qui assurent la stabilité m’a-t-on dit ;
mais c’est sur que ce n’est pas évident et qu’il faut un vrai talent d’équilibriste……
un document pour continuer le voyage, édité chez le biblioFil
http://www.bibliofil.net/post/2012/06/11/Motifs-Protecteurs-des-Pirogues-de-Saint-Louis-%28-pour-le-boutis%2Cle-patchwork-et-la-broderie%29#comments
welcome chez Dumè Thierry ;
en tant qu’ancienne brodeuse et habitante de Dakar, je confirme que le sommaire regroupe la plupart des ateliers de broderie du Sénégal ;
heureuse qu’un hommage leur soit rendu par l’intermédiaire de cet opus ;